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le Monde de kikushiyo
4 juin 2013

Le Passé - de Asghar Farhadi

D'emblée, j'ai été saisi par la manière dont Farhadi nous ouvre les portes de son univers. Sa façon de filmer des séquences imprégnées de réalisme. Le présent de la vie d'une femme est tourmenté par l'amour qu'elle garde pour un homme qui ressurgit de son passé.

le passé - asghar farhadi Marie, interprétée par Bérénice Béjo, qui a deux filles, n'est pas qu'une mère. C'est aussi une femme dont la vie est jalonnée d'histoires d'amour avec des hommes fragiles. C'est une "femme-matrice", celle qui donne la vie et scelle les destins. Aujourd'hui, elle vit avec Samir (Tahar Rahim). Mais, dès l'instant ou Ahmad, "son ex", arrive de Téhéran, on perçoit que leur histoire d'amour, même si elle n'est plus nommée telle quelle, existe encore. Ahmad est le seul homme avec lequel elle n'a pas eu d'enfant. Pourquoi se sont-ils séparés ? Pourquoi a-t'il pensé à la mort ? Tellement de questions qui restent en suspend et tant de mystères qui façonnent le film. Tout est dans le non-dit, dans le secret, dans le passé.

Au début, il y a beaucoup de confusion. Qui est qui ? Qui est l'enfant de qui ? Il y a beaucoup d'opacité. Et puis, peu à peu, la brume se lève et on comprend. Mais finalement, la vie est compliquée, la famille aussi c'est compliqué. Les schémas familiaux ne sont plus aussi simple qu'autrefois, on est plus dans le modèle nucléaire avec papa, maman, et l'enfant. Dans un second temps, quand on repense à ce film, on se dit que c'est de la virtuosité, c'est passionnant de voir comment Farhadi déroule une à une ses idées.

Marie, c'est aussi toute l'ambivalence d'une femme qui ne veut pas dire qu'elle aime. Elle est dans le tout ou dans le rien. Elle dit "viens" et l'instant d'après, elle dit "pars, sors". Ce que j'aime chez Farhadi, c'est cette simplicité de filmer des sentiments compliqués. Il y a des séquences ou tout est dit sans un mot : un matin, les deux hommes se croisent dans la cuisine. Les gestes sont maladroits. On ne sait quoi dire, d'ailleurs on ne dit rien. Un silence qui va en dire beaucoup.

Le choix de positionner la caméra à tel ou tel endroit, donne une place entière au spectateur. Dans ses précédents films "A propos d'Elly" ou "La séparation", je n'avais pas ressenti cette sensation de proximité entre l'acteur et le spectateur. Les films relevaient plutôt du confinement de l'action, mais dans "Le Passé", on est là, tout près. On rentre dans la cuisine, on ouvre une fenêtre, on fait le lit. Ces petites choses du quotidien avec lesquelles se construit un bon film.

J'ai pourtant eu un moment d'inquiétude lorsque tous les mômes commençaient à hurler dans tous les sens, que l'adolescente faisait sa crise de larmes. Je me suis demandé où Farhadi voulait nous emmener ? En fait,  il tissait petit à petit les mailles d'un canevas formidable. Quand l'intrigue se dénoue, cela semble tellement évident.

Souvent, on perçoit la galerie de symboles présentés par Farhadi. Les cadres, par exemple, il sont montrés dans plusieurs scènes, vides ou pleins. Des cadres, des tableaux, des photos du passé. La citation de Flaubert prend tout son sens dans "Le Passé" : "L'avenir nous tourmente, le passé nous retient, c'est pour cela que le présent nous échappe.".

3 juin 2013

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