Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le Monde de kikushiyo
21 juin 2013

Citizen Kane - d'Orson Welles

Depuis tant d'années, tellement d'auteurs, tellement d'ouvrages, de thèses, d'encyclopédies et de conférences ont traité de ce film d'Orson Welles.

Citizen kaneLes propos sont tellement dithyrambiques, tellement élogieux. On dit même que c'est le films-des-films. Bref, le chef-d'oeuvre absolu du cinéma mondial.

"Citizen Kane" pourrait se résumer en un mot, le premier mot du film : "Rosebud". C'est le dernier mot prononcé par Charles Foster Kane sur son lit de mort. Orson Welles commence son film par la mort de Kane, puis revient sur sa vie par des flashbacks. Une énigme est posée, qu'est-ce que "Rosebud" ? Un journaliste va tenter d'y répondre en allant rencontrer ceux qui ont croisé la vie de cet homme qui a toujours été en quête de pouvoir. Qui était donc Charles Foster Kane, ce "Kubla Khan" américain ?

Dans "Citizen Kane", Welles aborde la question du temps qui passe. Il contracte la courbe du temps en faisant des va-et-vient entre le présent et le passé, au risque de dérouter le spectateur.

Ce film décrit la vie d'un homme immensément riche, inspiré par l'histoire du richissime William Randolf Hearst (1863-1951). "Citizen Kane" décrit de manière presque chirurgicale cette volonté d'un homme seul de s'emparer du pouvoir. Très jeune, il repose déjà sur une fortune. Mais il ne s'en accommode pas, il veut plus, toujours plus. Kane va racheter un petit journal qui vivotait,  l'Inquirer. Il va le moderniser, ses ventes vont exploser et il en fera un empire. Suffisamment intelligent pour comprendre qu'il peut manipuler l'opinion publique comme bon lui semble  avec la presse. C'est par ce vecteur qu'il part à la conquête de l'amour des "américains moyens". Son destin semble tout tracé, il ira jusqu'à la Maison Blanche. Mais voilà, la vie n'étant pas un algorithme et, en raison d'une escapade extra-conjugale, sa campagne au poste de Gouverneur n'aura pas le résultat attendu dans les urnes. Cet échec est un véritable effondrement de son "Moi" profond, la séquence en est même pathétique. Lorsqu'il échoue, lorsqu'une femme le quitte, on perçoit l'envergure de ses émotions. Son vrai visage apparaît dans la souffrance. Cet échec lui fera redoubler sa folie mégalomaniaque. Pour sa maîtresse cantatrice, petite chanteuse sans grand talent, il fera bâtir l'Opéra de Chicago.

Mais, au fond de lui, il y a un vide abyssal qu'il veut combler en dévorant le monde comme un ogre insatiable qui accumulerait des biens matériels, des collections immenses. Ce manque a pourtant une origine qui remonte à son enfance : "Rosebud".

Kane est un homme ouragan. Après lui, il ne reste que désolation. Il n'épargne personne, ni ses amis, ni les femmes qu'il épouse. L'une meurt, l'autre, la cantatrice, devient alcoolique. D'ailleurs il est seul et mourra seul.

Le scénario d'Orson Welles est une merveille et rien n'est laissé au hasard. Pas besoin d'avoir usé ses fonds de culottes sur les bancs de la Femis ou bien au cour Florent pour être subjugué par la force de cette histoire et la manière de Welles d'enchainer chaque séquences, avec des fondus, des profondeurs de champs. En jouant sur des plongées et contre plongées. Orson Welles commet avec ce film un acte de prestidigitation, une révolution esthétique. "Citizen Kane" sorti en 1941 signe la véritable fin du cinéma muet.

citizen kane-boule de neigeUn premier plan très sombre qui montre une pancarte "No Trepassing", la caméra n'en a que faire. Elle outrepasse le grillage en remontant, puis débouche sur l'incroyable propriété "Xanadu" de Kane. La caméra continue son ascension vers la colline, puis elle se glisse jusque devant la fenêtre de la chambre du vieux qui se meure. La lumière s'éteint. Quand elle se rallume, la caméra est à l'intérieur. Un mot, une boule de neige de verre qui tombe et se casse, la mort.

Pour Welles, le son a autant d'importance que l'image. C'est donc le thème musical "Xanadu" du compositeur Bernard Herrmann, résonnance sombre et lugubre, qui accompagne ce cheminement initial. Welles, homme de radio et de théâtre, aurait demandé à Herrmann de le suivre à Hollywood. On connaît ensuite le parcours de Bernard Herrmann dans le cinéma et l'importance qu'il devait prendre dans l'oeuvre d'Hitchcock.

Et puis, ce sont les "News on the March", les informations, telles qu'elles étaient données dans les cinémas de l'époque, avant la projection d'un film. Ces "News" évoquent la vie de Kane, ses échecs, ses réussites, ses croyances et ses idéologies. D'ailleurs, cette séquence me renvoie au découpage littéraire du livre "42e parallèle" de John dos Passos, paru en 1930 (commentaire dans les livres du Monde de Kikushiyo), dans lequel le récit de fiction croise des "Actualités" ("News") de l'époque. L'idée est identique. Et puis, étonnamment, toujours en référence à Dos Passos, le discours du Kane, rédacteur en chef de l'Inquirer a des tendances très Marxistes : "Les pauvres ouvriers ne seront pas exploités par les requins de la finance.", mais encore, le candidat Kane, pendant la campagne qu'il devait perdre, aborde les thématiques du peuples, les ouvriers, sujets dont se sont déjà emparés des romanciers américains de cette époque : Dos Passos, Steinbeck, Faulkner.

"Citizen Kane" c'est aussi une leçon de psychanalyse. En effet, "Rosebud" ne serait-ce pas la réminiscence d'un paradis perdu ? Ce magnat de la presse ne reste, en fait, que cet enfant, privé trop tôt de l'affection et de la protection maternelle.

Et enfin, "Citizen Kane" c'est une extraordinaire comédie. Welles développe un sens de l'humour hors du commun. J'ai beaucoup ri lorsque Susan Alexander, cette petite cantatrice sans grand talent, maîtresse de Kane, prend des cours de chant avec un maître de musique au fort accent italien et très démonstratif. Celui-ci a tout tenté pour la faire progresser, mais rien à faire, il en est dépité. 

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
le Monde de kikushiyo
Derniers commentaires
Publicité