Ce film de l'année 1960 est tiré d'une histoire de Patricia Highsmith, "Monsieur Ripley".

Sur le pont de la Goélette baptisée "Marge", du prénom de Marie Laforêt, fiancée du riche Philippe Greenleaf, rien ne protège de la morsure du soleil. Les corps bronzés de Marie Laforêt, Maurice Ronet et Alain Delon s'offrent à l'horizon, aux vagues qui se fracassent sur la coque. Ils parcourent en bateau la baie de Naples, version carte postale et se livrent langoureusement aux caresses du vent. Cette mer de tranquillité est le signe annonciateur d'un drame. Ensuite, le vent se lèvera et la mer d'huile se troublera.

Le couple Ronet/Laforêt partage des moments très sensuels. Déjà, le spectateur se rend compte que Delon semble envieux à la vue de ces deux corps enlacés.

Au début du film, le duo Ronet/Delon partage une complicité de jeunes gens amis depuis plusieurs années. En fait, cela s'avère bien plus complexe et leur relation est ambivalente. Ce très bon film signé René Clément est un sommet du cinéma français. Une copie rénovée sort dans les salles cet été 2013. Alain Delon y est excellent. Habituellement, je le trouve tellement inexpressif. Dans "Plein Soleil" son corps d'acteur s'anime et entre en mouvement, son visage est expressif. Pour cet acteur, c'est tellement rare que lorsque ça arrive il faut le souligner et applaudir. Delon incarne un personnage trouble qui accomplit un acte fou. C'est avec Maestria que René Clément donne au film un ton empreint de suspens et qui ressemble beaucoup à l'univers d'Hitchcock. Delon/Ripley ne peut plus reculer. Il s'enferme dans un mensonge, quitte à s'y perdre totalement. La beauté de Delon, magistralement photographiée, vient un peu plus assombrir la noirceur du personnage. On voit très bien la folie se répandre peu à peu sur tous les traits du visage de Ripley (son étrange mimique, quand il se promène sur le marché des poissons est ahurissante).

Ce drame marque en filigrane une lutte des classes silencieuse. Les affrontements ne sont pas frontaux puisque le fils d'un riche américain, qui dépense son argent sans compter dans les contrées ensoleillée de l'Europe du sud partage la même chambre, le même bateau et parfois la même femme qu'un fils du peuple qui ne connaît ni les moeurs, ni les habitudes des gens riches. Des gestes qui sont naturels pour l'un ne l'ont jamais été pour l'autre.  D'ailleurs, Greenleaf se saisit des gaucheries de Ripley pour s'en moquer, parfois le rabaisser et même être un peu sadique à son égard. Mais la rivalité existe entre eux, seulement elle avance à visage masqué. Celui qui vient d'en bas, c'est Delon qui n'a rien et qui envie Greenleaf à tel point qu'il voudrait inverser les rôles et prendre sa place.

Avant que  la relation entre Ripley et Greenleaf ne cède la place à une véritable haine, le revers de la médaille semblait plutôt ressembler à de l'attirance homosexuelle dans laquelle il n'y avait plus de différenciation, l'un voulait précisément se confondre avec l'autre, fusionner. Dans la scène du miroir, Delon met la veste de Greenleaf, ses chaussures, sa cravate. Puis, il parle comme lui, le copie, pour finir par embrasser son reflet dans le miroir. Séquence qui n'a rien à envier au mythe de Narcisse.

Ce thriller passionnant a été repris en 1999 dans sa version américaine d'Anthony Minghella, avec Matt Damon dans le rôle de Tom Ripley et Jude Law dans celui de Greenleaf. "Le talentueux Mr Ripley".

A noter aussi la très courte apparition d'une jeune et superbe Romy Schneider qui fait de la figuration.

29 juin 2013