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le Monde de kikushiyo
6 juillet 2013

M le Maudit - Fritz Lang

"M le Maudit" est le premier film parlant tourné par Fritz Lang.

m le mauditSorti en 1931, il aborde métaphoriquement la question de la vieillissante république de Weimar et l'émergence du Parti national-socialiste des travailleurs allemands (Nationalsozialistische Deutsche Arbeiterpartei, NSDAP, qui était le parti nazi). Son point de vue est-il anti ou pro nazi ? Certains l'ont critiqué, d'autres ont encensé sa vision du film noir et la puissance de sa mise en scène, mais là n'est pas mon propos.

D'emblée, le ton du film est donné par la comptine des enfants dès le premier plan : "Le vilain homme en noir va venir avec son petit hachoir et il fera du hachis de toi." C'est donc l'histoire d'un croquemitaine, tueur d'enfants. Celui-là même qu'on retrouve dans les légendes, dans les contes pour enfants et qui fait frémir les adultes : "Mères, surveillez vos enfants." Plusieurs enfants sont retrouvés morts. Les recherches de la police sont infructueuses et, face à l'absence de résultats, il faut peu de choses pour que la psychose s'empare de la population. Au moindre soupçon, c'est un lynchage qui s'organise.

Alors, quand la petite Elsie Beckmann est abordée à la sortie de l'école par cet homme qui lui dit qu'elle a un joli ballon ("Du hast aber einen schönen Ball") et qu'il lui demande son nom, le monstre va frapper de nouveau et pendant sa chasse il siffle un air de l'opéra Peer Gynt, du compositeur danois Edvard Grieg (à l'écoute ci-dessous). Cette musique lancinante revient dans ce film noir comme un Mantra venu de l'enfer que le croquemitaine répète inlassablement, dès qu'il croise un enfant.

Les plans fixes de ce drame ont fait la légende du film, tellement ils sont explicites sans rien dévoiler. Il ne peut pas y avoir d'ambiguité quant à l'horreur qui vient de se dérouler. Pas besoin non plus d'en montrer plus lorsque le ballon d'Elsie dévale la pente, seul. Et puis, il y a aussi le plan ou l'ombre d'un homme se penche sur l'enfant. Magistral. C'est l'imagination du spectateur qui fait le reste.

m le maudit (3)

Ce film est composé de petites touches, comme un tableau impressionniste. Ces traits de pinceaux ce sont les plans qui s'enchainent les uns après les autres. Souvent fixes, la caméra fait de légers mouvements, presque imperceptibles. Quelques plans fixes pris au hasard du film :

- la lettre du tueur dans la presse ; la fiche des empreintes digitales ; le graphologue qui s'adresse à sa secrétaire ; les cercles concentriques tracés au compas, qui délimitent l'espace d'intervention de la police ; la scène du crime où la police retrouve un papier de bonbon ; Hans Beckert (Lorre) se regarde dans un miroir, s'étire les coins de la bouche en une expression faciale terrible, le regard fou ; Hans Beckert regarde la vitrine d'un magasin en mangeant un fruit. Tout à coup, dans le reflet de la vitrine il aperçoit une enfant derrière lui et l'expression de son visage change radicalement ; Beckert découvre, dans un silence oppressant, l'assemblée du procès ; le monologue du procès.

peter lorre

La scène finale durant laquelle l'acteur Peter Lorre se retrouve devant ses juges et le jury populaire, véritable galerie de gueules-de-truands, est probablement l'un des moments les plus impressionnant qu'il m'ait été donné de voir au cinéma, tellement l'interprétation de l'acteur atteint des sommets de virtuosité. Il est à genoux devant les gueux et il décrit les pulsions qu'il ne peut pas maîtriser. Il dit que les voix qu'il entend lui dictent chacuns de ses actes, mais il ne peut pas s'y opposer : "Ich kann nicht, ich kann nicht" hurle-t'il. Lorre est fantastique. Je pense que les dix dernières minutes de "M le Maudit", lui ont ouvert en grand les portes du Panthéon des très grands acteurs du 7ième art.

peter lorre

Ce film est magnifique, tout simplement.

 

 

 

 

 

 

 

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