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le Monde de kikushiyo
9 novembre 2013

Clichy - Vincent Jolit (2013)

clichy-vincent jolit

"Clichy" est paru aux Éditions de La Martinière en août 2013. Pour son premier roman, Vincent Jolit montre d'évidentes qualités d'écriture, avec un style fluide et agréable à lire. Je critique souvent très négativement le déficit d''inspiration des auteurs français contemporains, ce roman apporte un démenti cinglant à une telle charge.

L'histoire de ce petit texte de 136 pages est simple et fonctionne bien. Je me suis laissé prendre au jeu. Le médecin du dispensaire de Clichy dans la banlieue parisienne, le docteur Louis, est passionné par la médecine sociale et préventive auprès de la classe ouvrière. Il entretient une relation conflictuelle avec son chef de service le docteur Ichok, ami du peintre Chagall. Le roman a lieu au début des années trente, les héros de la Grande Guerre sont encore jeunes. C'est une période charnière entre la Belle époque qui s'achève aux rythmes des bals musettes sur les bords de la Seine et les relents nauséabonds d'un jeudi noir d'octobre 1929 qui marquera bientôt son empreinte sur le monde. Une époque où planent aussi les signes d'un antisémitisme qui s'immisce de plus en plus dans la société française.

Aimée est dactylographe. Elle a le profil des banlieusards de ce début de siècle, qui s'éveillent sur le monde en visitant des expositions humaines de l'empire colonial aux portes de Paris. Ses parents, les Le Corre, viennent de Bretagne : "deux Bretons installés à Clichy pour aider la France à devenir majoritairement citadine." (p.17). Son père est boucher aux abattoirs de la Villette. En 14, il est parti au front. Aimée aura la chance de faire des études. Mais elle ne s'opposera pas à son père lorsque celui-ci la sommera d'arrêter l'école pour travailler. C'est l'époque qui veut cela. Quoiqu'il en soi, la jeune femme sera un jour embauchée comme nouvelle dactylo au dispensaire du 10 de la rue Fanny à Clichy, où travaille le docteur Louis.

Les deux protagonistes vont entretenir de bonnes relations de travail et, quand Louis écrira "Voyage au bout de la nuit", il se présentera à Aimée avec son manuscrit en lui demandant de taper le texte sur sa vieille machine à écrire Remington, avant de le présenter aux éditeurs. En acceptant, elle ne sait pas encore qu'elle va se retrouver aux prises avec une étrange aventure intérieure qui se déroulera dans le salon de son petit deux pièces de Clichy et qui durera plus d'un an : "Un soir, après sa consultation, Louis traverse la ville en poussant une brouette dans laquelle est confortablement installé son manuscrit. Il se rend chez Aimée." (p.59)

Elle en passera des nuits sans sommeil, fâchée, à conjecturer sur ce monument de la littérature française qui marquera le siècle pour son style et l'écriture en particulier. Partagée entre sa révulsion pour des mots qu'elle trouve vulgaires et qui écornent sa sensibilité d'une part, et son désir de défendre l'ouvrage lorsqu'il est attaqué, d'autre part.

La bonne idée de Vincent Jolit est d'avoir croisé la fiction à  la réalité et de faire se rencontrer le docteur Louis Destouches qui deviendra Louis Ferdinand Céline et cette petite secrétaire dactylographe qui, par son apport à un travail titanesque, participera indirectement à la finalisation d'un livre hors du commun.

Cela dit, je ne suis pas du tout impressionné par "Clichy". Ce livre a beaucoup de faiblesses qu'on mettra sur le compte d'un premier roman. Déjà, rien ne distingue la ville de Clichy. En l'état, seul le titre imprime cette singularité. C'est peu. Les quelques tentatives, très creuses, pour décrire la banlieue n'apportent absolument rien au récit, elles échouent. En fait, ça aurait pu se dérouler n'importe où. Je connais bien cette ville au nord de Paris, j'y suis né et j'y ai passé quelques années. Clichy reste à la fois populaire et il y a aussi des quartiers aisés avec ses immeubles haussmaniens qui apportent une saveur particulière à la commune. Une description plus fine de la commune aurait donner du poids au roman. A l'inverse, je regrette de trop nombreuses descriptions approximatives qui sont inutiles, voire qui desservent le texte :"Elle mesurait un mètre soixante-six" (p.50).

On s'interroge parfois quant à la propension que peut avoir l'auteur d'aborder les années trente avec autant de détails qui semblent partir dans tous les sens, au risque,parfois, de s'éloigner du récit et de dérouter le lecteur ? Jolit s'enlise.

Aussi, la fin est très difficile, il a du mal à conclure. On croirait que l'auteur ne veut plus quitter Aimée. Le dernier chapitre "Intérim" est beaucoup trop long. De nouveau le récit s'enferme dans des conjectures interminables qui en alourdissent considérablement la lecture.

Malgré ces quelques réserves, je garderai un souvenir sympathique de ce premier petit livre de Vincent Jolit et je suivrai avec intérêt la sortie de son prochain ouvrage.

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