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le Monde de kikushiyo
5 janvier 2014

Aucun de nous ne reviendra - "Auschwitz et après" - 1 - de Charlotte Delbo

"Aucun de nous ne reviendra" de Charlotte Delbo est paru en 1970 aux Éditions de Minuit.

Assistante de Louis Jouvet au Théâtre de l'Athénée, Charlotte Delbo a connu en 1943 la déportation à Auschwitz pour un motif politique. Elle livre ici un témoignage qui permet de poser des mots sur l'indicible. Ces mots qui nous donnent un lien de filiation avec l'humanité entière. aucun de nous ne reviendraAprès cela, il y a des actes qu'on ne peut plus accepter, des discours qui n'ont plus lieu d'être. "Un homme ça s'empêche" disait le père d'Albert Camus.

Il est nécessaire de ne pas oublier ce que la haine de l'autre peut générer et ces récits permettent de garder la mémoire. Des êtres humains ont subi la torture au quotidien et la mort en silence, seuls, allongés dans la Lagerstrasse du Camp d'Auschwitz, dans le froid et recouverts par la neige et c'était seulement hier. Auschwitz, camp de la mort. Mort de l'espérance en la condition humaine. La déshumanisation fait parti du processus d'anéantissement. "Un cadavre. L'oeil gauche mangé par un rat. L'autre oeil ouvert avec sa frange de cils. Essayez de regarder. Essayez pour voir." (p.135). Comment une telle barbarie a-t-elle pu s'organiser ? Après cela, l'Homme ne pourra plus jamais être comme avant.

Charlotte Delbo décrit le quotidien des femmes cantonnées dans les baraquements. Elles sont arrivées en convois ferroviaires dans un endroit qui ne portait pas de nom. Était-ce l'enfer ? "Aucun des habitants de cette ville n'avait de visage   et pour n'en pas faire l'aveu   tous se détournaient à notre passage" (p.138)

Ces femmes arrivent de l'Europe entière, la chère Europe, berceau de la culture et des lumières. Mais à présent, elles n'ont plus que la peau qui recouvre à peine leurs côtes circulaires. Pourtant, il reste tant de solidarité qui les maintient vivantes : "Mets-toi derrière moi, qu'on ne te voie pas. Tu pourras pleurer." (p.165)

L'auteure adopte un ton très sobre, sans exagération ni fioritures. Ces histoires courtes sont des instants volés à la vie du camp, des souvenirs, les récits de vies qui se croisent. Elle raconte avec beaucoup d'humilité et de discrétion les derniers instants de ces femmes agonisantes, ces flammes qui s'éteignent. Elles n'ont pas choisies, ni rien demandées, pourtant elles se sont retrouvées dans un univers fou. Compagnonnes d'infortunes aux regards vitreux, sans vie, parfois.

J'ai été touché par la lecture de ce témoignage très fort et je ne peux pas m'empêcher de penser à ces millions d'hommes, de femmes et d'enfants qui sont morts juste pour ce qu'ils étaient ou bien ce qu'ils pensaient.

Les impressions de Charlotte Delbo sont aussi émouvantes que les ouvrages de Primo Levi, Robert Antelme et Jorge Semprun.

 

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