Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
le Monde de kikushiyo
8 février 2014

Carnets de guerre 1914-1918 - de Ernst Jünger

Les éditions Christian Bourgois réédite en janvier 2014 les "Carnets de guerre 1914-1918" d'Ernst Jünger.

carnets de guerre 1914-1918

 Jeune soldat de 19 ans, engagé volontaire dans la Deutsches Heer (armée de l'empire allemand), Jünger va consigner minutieusement, dans quinze carnets d'écoliers, tous les épisodes d'une guerre sans merci qui vont jalonner son quotidien de décembre 1914 à septembre 1918. De cet enfant soldat qui va se jeter dans les bras de la Grande Guerre à partir d'un groupe d'élite de l'infanterie, jusqu'au héros aux quatorze blessures sur le corps qui obtiendra les plus hautes distinctions militaires, le lecteur va très vite se rendre compte que les affrontements, de tranchées à tranchées, seront décrits comme l'épopée d'un jeune homme inconscient qui s'évertue à des enfantillages meurtriers. Rite initiatique incongru pour ces jeunes hommes.

Ces carnets de guerre n'expliquent pas, ils décrivent de manière factuelle et sans émotion. La lecture n'en est pas aisée car elle est brute et violente. Voilà le détail de ce qu'a été la Grande Guerre, un champs de ruines, de boue, de chair et de sang, rythmé par le bruit des canons de 150 qui tonnent, les nuages de Shrapnels qui déchiquettent et les balles qui frôlent et qui ricochent.

Ernst Jünger est issu d'une famille bourgeoise. Son éthique qui se réfère au nationalisme allemand renvoie à des valeurs très chevaleresque de la guerre. D'ailleurs, il est respectueux de l'adversaire, notamment des "Franzose" qui se trouvent dans les tranchées d'en face, parfois à quelques mètres de lui. Son propos n'est pas haineux, bien au contraire, la francophilie d'Ernst Jünger n'est pas à démontrer. Pourtant, avec le voisin français, il sait que quelque chose s'est rompu. Désormais, c'est un fleuve de sang qui coule entre la France et l'Allemagne : "Où est-elle donc passée, cette plaisante culture de l'art de vivre, cette vie semblable à un long fleuve tranquille qui, dans les petites villes de France, [...] Cette existence fondée sur une acceptation joyeuse de la vie ? Disparus ! disparus, et peut-être à jamais.[...] Ici, en pays occupé, une population contrainte à vivre d'une manière qu'elle n'a jamais connue, contrainte d'avaler le pain gris de la guerre et contrainte d'engendrer des enfants qui plus tard, peut-être, ne trouveront pas leur place dans ce pays de la gaieté." (p.98)

Mais, ce qu'il y a de redoutable avant tout, c'est la banalisation de la mort : "L'indifférence envers les morts est massive." (p.77). Quand elle en fauche certains, les autres continuent leur route, sans se retourner, sinon la mort les pétrifiera au détour d'un chemin. On se rend compte que la guerre rabaisse l'homme à ses plus bas instincts. Dans les tranchées, il n'est pas rare de voir des morts gisants au sol, dont les poches sont retournées car ils se font piller de leurs moindre effets.

Le récit du jeune homme est scandé par le tempo des jours qui passent, parfois très longs. Ernst Jünger décrit son impatience de partir au combat. Lors de ces moments d'attente interminable il dort. Son sommeil peut être calme ou bien agité. Il parle de ses rêves et souvent ses cauchemars.

Lorsque Jünger circule dans une France en ruine, il n'y voit que la désolation. Les tableaux qu'il dépeint d'un regard attendri, sont figés et surréalistes : "Dans une maison de boulanger bombardée, la longue pelle à pain était encore plongée dans le four et, à l'école, les cahiers des enfants, tout déchirés, étaient restés sur les pupitres." (p.79)

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
le Monde de kikushiyo
Derniers commentaires
Publicité