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le Monde de kikushiyo
9 mars 2014

L'honneur perdu de Katharina Blum - de Heinrich Böll - 1975

Ce roman de Heinrich Böll parait en France en 1975 aux Éditions du Seuil pour la traduction française.

l'honneur perdu du katharina blum

« L’action et les personnages de ce récit sont imaginaires. Si certaines pratiques journalistiques décrites dans ces pages offrent des ressemblances avec celles du journal Bild, ces ressemblances ne sont ni intentionnelles ni fortuites mais tout bonnement inévitables. » précise Böll dès la première page.

La presse à sensation. Cette presse qui détourne, qui fustige et qui se complait dans la délation. Böll adresse une charge en bonne et due forme contre cette presse à ragots qui s'adresse à nos plus bas instincts.

Katharina Blum est la victime idéale, en tout cas celle sur qui les journaux vont s'acharner sans répit. Pourquoi ? Parce que cette jeune femme sans histoire qui est peu coutumière des questions sentimentales est, au cours d'une soirée chez sa tante, tombée amoureuse et a hébergé un jeune homme recherché par la police pour des faits de droit commun. La presse va ensuite accuser la jeune femme de tous les maux du monde, la suspectant presque de terrorisme. Elle devient un parfait bouc émissaire. Et puis, Katharina Blum va perdre tant de choses qui lui sont chères, ne serait-ce que la suspicion qu'elle génère autour d'elle. Elle va devoir vendre le logement qu'elle  avait pu s'acheter avec de maigres économies. Enfin, un journaliste zélé retrouve la mère de Katharina alors qu'elle est à l'hôpital. Cette rencontre la tuera.

Alors, peut-on blâmer cette jeune femme outragée et meurtrie lorsqu'au soir du dimanche 24 février 1974, pendant le Carnaval de Cologne, elle vide le chargeur de son pistolet automatique sur le journaliste Werner Tötges ?

Puisqu'on connaît tout de suite le dénouement, Heinrich Böll revient sur les quatre jours qui ont précédés le drame. Il détricote, fil par fil, l'engrenage qui a conduit Katharina tout droit vers le drame. C'est en cela que "L'honneur perdu de Katharina Blum" est d'une précision telle que le lecteur est immédiatement entraîné vers les sentiers imaginaires tracés par Böll. Il présente le déroulement des interrogatoires et de la procédure judiciaire de manière très pragmatique. Ce petit livre (136 pages) adopte un rythme narratif rapide et dense.

On peut aussi comparer l'histoire de Katharina Blum au véritable drame survenu à Henriette Caillaux, femme du ministre des finances français des années 10, Joseph Caillaux, créateur de l'impôt sur le  revenu, qui déchaîna contre sa personne les foudres de la presse qui voulait le clouer au pilori.Henriette Caillaux Le directeur du quotidien Le Figaro, Gaston Calmette, le plus virulent de tous, s'évertuait à éditer les courriers intimes de Caillaux afin de l'éliminer politiquement. Sa femme, blessée dans son honneur et son amour propre, se rendit dans les locaux du Figaro pour abattre Calmette le 16 mars 1914. Cet acte mis un terme à la carrière politique brillante de son mari qui avait déjà empêché une guerre entre la France et l'Allemagne suite à l'affaire des canonnières de Rabat. Chef du parti radical, on le présentait comme le futur président du conseil. Avec Caillaux à la tête de l'Etat, qu'on disait proche de l'Allemagne, l'avenir de la France aurait pu être tout autre.

 

Et puis la situation absurde dans laquelle se retrouve aussi rapidement Katharina Blum, cette jeune femme respectable et gouvernante de maison, très appréciée de ses employeurs, peut aussi renvoyer à l'histoire de "Meursault" le héro de "L'étranger" d'Albert Camus, qui fût condamné à mort pour ne pas avoir pleuré le jour de l'enterrement de sa propre mère. En effet, tout ce qu'on reproche à Katharina sous-tend à la morale sociale qui s'acharne pour faire plier la jeune femme. Lors des interrogatoires, avant le meurtre, toutes les déclarations peuvent se retourner contre la jeune femme, ça en devient absurde. Lorsqu'elle lit le Journal du Dimanche, il y a tant de décalage entre ce qu'on lui reproche et sa propre réalité à elle qui est guidée par ses instincts et pas du tout influencé par cette morale. Comme Meursault dans "L'étranger", Katharina se retrouve en plein coeur d'un cyclone qui va bouleverser toute sa vie. Elle n'est accusée de rien d'autre que d'être, par amour, sortie du rang.

"L'honneur perdu de Katharina Blum" a été transposé au cinéma en 1975 dans un film de Volker Schlöndorff.

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