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le Monde de kikushiyo
27 avril 2014

L'homme sans nom - de WANG Bing (2009) 纪录片:《无名者 》王兵

[Merci à la Galerie Chantal Crousel - Paris 3°] Ce film documentaire de Wang Bing renvoie à une peur innommable et blottie au plus profond de la plupart des spectateurs. La peur de la solitude, cette peur d'être éloigné des autres hommes, ces autres qui nous façonnent en tant qu'animal social. Peur de la mort.l'homme sans nom(1)

Mais paradoxalement, ce reportage me renvoie aussi à certains désirs inavoués. Le désir de se rapprocher de la terre nourricière, d'être en contact avec cette glaise et la prendre à pleine main. Et puis l'eau, la pluie et le vent, ainsi que tous les éléments qui rythment et fluctuent le temps qui passe.

"L'homme sans nom" filmé par Wang Bing est un ermite qui vit loin de tout, dans une ville fantôme (Au détour d'un plan on distingue assez nettement la circulation automobile qu'on ne voit pas, hors-champ, le monde n'est donc pas si loin). Le Diogène moderne ne vit pas dans un tonneau, mais plutôt dans une maison troglodyte ou quelque chose qui y ressemble. Ce pourrait être aussi un ventre ouvert sur le monde, un ventre protecteur et maternel qui l'accouche dès le premier plan. L'homme qui en sort souffle fort et déjà le poids du monde parait être un fardeau pesant sur ses maigres épaules. Il s'engage dans un paysage lunaire, apocalyptique, gelé, fait de bâtisses qui semblent sortir de terre et qui, pourtant, ne tarderont pas à y retomber. Dès qu'il sort de son antre, l'homme s'attèle à de multiples occupations qui lui permettent de survivre. Il glane, creuse, bêche. L'homme semble se réjouir des légumes qu'il cultive. Puis il découpe une courgette avec des vieux ciseaux. Une fois repu, il fume et reprend son labeur.

Bien entendu, mon propos n'est pas de faire l'éloge d'un pauvre hère couvert de crasse et qui vit dans un trou. Pour autant, ce documentaire de 92 mn représente la "vie" dans son plus simple appareil. Parfois, dans la précipitation de nos vies occidentales il est agréable de faire un pas sur le côté pour regarder simplement une création artistique qui nous renvoie aux choses essentielles de la vie et rien d'autre, alors on peut se laisser aller.

Le cinéaste chinois Wang Bing a su être discret et se faire accepter dans l'intimité du celui qui est loin des autres. Wang Bing rentre dans un espace très personnel sans être voyeur, ni agresseur. Au contraire, l'oeil de la caméra effleure "l'homme" avec beaucoup d'humilité et d'honneteté. Chaque geste que l'homme fait, aussi simple ou incongru soit-il, prend une dimension inattendue. Ainsi, soulever un sac, couper une branche, vider une flaque d'eau avec une tasse. Tous ces évènements anodins tendent vers le beau et leur simple description devient une théorie de l'infiniment vivant. l'homme sans nom(2)Wang Bing m'a transporté pendant cette heure et demi dans une dimension très spirituelle qui peut me renvoyer à un raisonnement méditatif. Cet hommage à la vie pourrait relever du Bouddhisme zen ou bien du Taoïsme. Encore une fois, Wang Bing tend au sublime.

 

 

 

 

A propos de l'exposition de WANG Bing au Centre Pompidou : www.centrepompidou.fr

Le Centre Pompidou reçoit le cinéaste chinois Wang Bing dans une correspondance partagée avec le cinéaste espagnol Jaime Rosales. Rétrospectives intégrales, avant-première, installations, rencontre en présence des cinéastes.

Wang Bing - Jaime Rosales

Cinéastes en correspondance

Cinéma et Vidéo

14 avril - 26 mai 2014


« Cinéastes en correspondance », la série engagée par le Centre Pompidou qui a déjà réuni Abbas Kiarostami et Victor Erice, Jonas Mekas et José Luis Guerin, Albert Serra et Lisandro Alonso, présente aujourd’hui la correspondance filmée entre le cinéaste chinois Wang Bing et Jaime Rosales, cinéaste espagnol à l’œuvre de fiction engagée, composée à ce jour de quatre longs métrages, dont Rêve et silence, présenté au Festival de Cannes, en 2012. Le Centre Pompidou invite parallèlement Wang Bing à présenter, au Forum -1, trois vidéos : Crude Oil, inédite en France, ainsi que Traces et Père et fils, ainsi que, pour la 1ère fois dans le monde, son travail photographique, sous forme de trois séries.
Photographe de formation, Wang Bing s’est imposé dès son premier film, le documentaire fleuve À l’ouest des rails, en 2004, comme un auteur majeur du cinéma contemporain. Sa démarche radicale et son regard fixé en permanence sur les destins humains documentent de films en films l’histoire et la mémoire de la Chine d’aujourd’hui. Des mineurs aux rescapés des camps de travail dans >Fenming chronique d’une femme chinoise  en 2007 et Le Fossé  en 2010 ; des paysans des hautes montagnes dans Les Trois soeurs du Yunnan  (en salles le 16 avril 2014), aux aliénés d’un hôpital psychiatrique dans Til Madness Do Us Part, le cinéaste chinois interroge sans relâche les vies dans le chaos de la modernité de son pays. Wang Bing et Jaime Rosales se retrouvent face au public, dans un moment de complicité aussi profond et singulier que le talent des deux cinéastes.
Propos recueillis par Sylvie Pras, chef du service des cinémas, département du développement culturel
Sylvie Pras – Le Centre Pompidou présente, à partir du 14 avril, les trois films de votre correspondance filmée. Qui êtes-vous l’un pour l’autre ?
Jaime Rosales  – Wang Bing est un ami et un collègue. Nous nous sommes connus à Paris, en 2004, dans le cadre de la Résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes. Nous avons vécu dans le même appartement pendant quatre mois. Nous partagions des repas, des rencontres, des impressions sur le cinéma malgré les difficultés de communication. Nos deux premiers films, À l’ouest des rails  et Les Heures du jour, étaient sortis en France à peu près à la même époque. Wang Bing  – Jaime parlait souvent de poésie et, dans ces moments, on se sentait tous très jeunes ! Pour ma part, c’était la première fois que je quittais la Chine, où j’habitais, et que je travaillais avec des étrangers. Jaime se souciait souvent de moi, se préoccupait de ma vie en Chine.
SP – Vous semble-t-il que vos filmographies se rejoignent ?
WB – Les films de Jaime sont très paisibles et calmes. Il traite de la relation étroite qui existe entre les explosions soudaines de violence dans l’existence et dans la vie des gens ordinaires. Sa façon de filmer est très directe, il ajoute très peu d’ornements narratifs, comme si aucune direction ne structurait l’histoire. Ses films dégagent une sensation de froideur, comme s’ils étaient exempts de toute chaleur. JR  – Je dirais que nous tentons à peu près la même chose : rendre compte de la réalité par des moyens assez semblables.
SP– Jaime, comment est née l’idée de T4 – Barajas Puerta J 50, la première lettre que vous avez adressée à Wang Bing ? 
JR  - À cette époque, en 2009, j’étais plus sensible à l’art contemporain. Comme toujours lorsque je commence un projet de film, il me faut résoudre une triple équation : thème, forme, budget. Je trouve toujours le thème sur lequel je vais parler parmi les choses qui me dérangent. Le rythme de la vie moderne, les produits en plastique, l’ensemble de la société de consommation en font partie. C’est devenu le thème du film : un grand aéroport avec beaucoup de monde qui consomme. Il fallait trouver une forme et un budget. Un plan séquence en panoramique avec un téléobjectif où le son ne suivait pas l’image. Tourné en 35 mm, en un seul jour. Voilà tout.
SP – Vous avez souhaité faire une réponse à Wang Bing. Contrairement à ce qui avait été décidé, qu’était-il important de poursuivre ?
JR  – La lettre de Wang Bing m’a énormément plu. Je la trouve bouleversante. Red Land est une réponse directe, ou peut-être une réponse à l’œuvre de Wang Bing toute entière : le thème d’un temps qui n’existe plus. L’époque des ouvriers des industries lourdes est révolue. C’est pareil en Chine et en Espagne. C’est pareil partout.
SP – Et vous, Wang Bing, comment vous est venue l’idée de tourner Happy Valley  ?
WB  – En 2005, un ami m’a fait découvrir Histoire de dieu, le roman de Sun Shi Xiang Zhu, mort quelques années auparavant. J’ai lu pas mal de romans chinois mais celui-ci m’a beaucoup ému, je suis resté plongé dans le silence pendant plusieurs jours. Je pense que ce roman est une œuvre littéraire phare de la Chine contemporaine, négligée par la littérature actuelle. On peut dire que, comme mes propres films, elle n’est pas considérée. C’est pourquoi en 2009, alors que je venais de terminer le tournage du Fossé, mon seul film de fiction, je me suis rendu dans la région natale de Sun Shi Xiang Zhu afin de me recueillir sur sa tombe. Sur le chemin du retour, je suis passé par « Xi Yang Tang » (Happy Valley). C’est là que j’ai rencontré ces trois fillettes. J’avais sur moi un mini caméscope et j’ai filmé quelques images en passant. Je ne savais pas encore que, quelques années plus tard, je reviendrais les suivre pour un long métrage, devenu Les Trois sœurs du Yunnan.
SP – Wang Bing, vous pouvez nous parler de vos projets à venir ?
WB  – Je présente actuellement mon nouveau film, Til Madness Do Us Part, dans les différents festivals du monde entier : Venise, Lisbonne, Nantes. Il traite de la vie de quelques personnages dans un hôpital psychiatrique de la province du Yunnan, en Chine. C’est un film auquel je tiens beaucoup, que je porte en moi depuis de nombreuses années, sans jamais avoir eu l’occasion de le tourner. Il me semble qu’il est étroitement lié à la vie de tous les Chinois contemporains. Avec ce film, vous pouvez voir la Chine telle qu’elle est aujourd’hui. Mon film Les Trois sœurs du Yunnan, dont la correspondance filmée avec Jaime Rosales est en quelque sorte l’incipit, sortira sur les écrans français le 16 avril 2014. D’ici là, je vais tourner un nouveau documentaire, des histoires d’adolescents.

Organisateur : DDC / Les cinémas, S. Pras

En collaboration avec 

Les Acacias, Wil Productions, la Galerie Paris-Beijing

 

En partenariat avec

Le Centre de Culture Contemporaine de Barcelone

 

Avec le soutien de 

Shan Shui Zhi Jian et le Service d’action et de coopération culturelle - Institut français de Chine de l’Ambassade de France en Chine

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Commentaires
E
Merci de m'avoir fait découvrir ce film de Wang Bing et ce personnage si vivant, si troublant et si authentique. Votre texte m'a donné envie d'aller à la rencontre de cet homme sans nom. Votre vision est sensible et le regard posé sur lui est en lien avec l'essentiel. Mais comment est-il possible de s'isoler, de ne parler et de n'être en lien avec aucun autre humain?. Choix? Non choix? Résignation? Déception? Démarche spirituelle ou engagée?<br /> <br /> Sans voix, nous nous faisons les témoins du corps en mouvement qui respire, marche, aspire, crache, mâche, tousse, mange, fume souffle et se hisse. Sans nom, sans âge, vision directe, brute, sans mise en scène. Caméra rythmée entre l'intérieur et l'extérieur. Gestes ancestraux accompagnés des sons du vent, de l'eau de pluie, de l'eau de source, du feu et de la terre retournée. Terre qui protège et nourrit. Du côté du cinéaste qui a "effleuré l'homme avec humilité" comme vous l'écrivez, il reste ce très beau documentaire; mais que reste-t-il pour cet homme de cette rencontre? J'aimerais bien le savoir...
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