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le Monde de kikushiyo
24 mai 2014

Maps to the Stars - de David Cronenberg (2014)

"Maps to the Stars" est le dernier film de David Cronenberg présenté au festival de Cannes 2014. Pour son rôle Julianne Moore vient d'être récompensée par le prix d'interprétation féminine. Ce prix est mérité au regard de sa performance.

Maps to the stars

Le réalisateur canadien dissèque de manière quasi chirurgicale les lésions psychiques irréversibles inhérentes au crime d'inceste. Cronenberg ne filme pas l'acte en tant que tel, mais plutôt les conséquences sur les victimes.

Le démarrage m'a paru très long, un peu fouillis et ampoulé. On perçoit trop clairement l'intention de décrire la névrose de chaque personnage dont on voit apparaître, peu à peu, les liens qui vont les réunir. Cronenberg veut absolument expliquer et montrer, cela peut parfois alourdir son sujet.selection officielle cannes

L'histoire : Pour commencer, Julianne Moore joue véritablement à contre emploi des rôles plutôt sophistiqués qu'elle interprète habituellement (n'en déplaise aux critiques des Inrocks). L'action se déroule dans les arcanes du système hollywoodien. Au coeur d'une industrie cinématographique certes caricaturée, mais montrant assez précisément l'affrontement entre ego démesurés. Havana Segrand est fille d'actrice. Elle a été abusée dans son enfance par son beau-père. Désormais, elle est une star hollywoodienne entre deux âges qui court après le rôle qu'elle semble avoir attendu très longtemps. Celui même qu'avait interprété sa propre mère, morte dans un incendie. Névrosée et rongée par ses démons intérieurs, le simple fait de ne pas pouvoir obtenir ce rôle déclenche chez elle des crises d'angoisse. Havana consulte un thérapeute de renom car il faut apaiser la petite fille en elle. Le docteur Stafford Weiss (John Cusack) est un peu psychologue, un peu masseur, lui même envahi par des secrets de famille suffisamment lourds pour peser sur sa femme et son fils. Ce fils est un enfant Star qui montre des signes d'instabilité mentale, mais il assouvit les désirs de succès de sa mère. La question du désir et de la place de l'autre est posée.

Un jour, arrive de Floride le grain de sable qui va faire dérailler la machine déjà bien abîmée. C'est Agatha Weiss (Mia Wasikowska), jeune femme qui vient d'être libérée d'un internement psychiatrique. Sur le corps et le visage elle présente des marques de brûlure, stigmates d'un passé douloureux qu'elle masque avec de longs gants. Le poème de Paul Eluard "Liberté" qu'elle répète inlassablement, à la manière d'une incantation, la rattache à ses origines :

(Extrait)"Et par le pouvoir d’un mot

Je recommence ma vie

Je suis né pour te connaître

Pour te nommer

Liberté"

Le feu fait le lien entre Havana et Agatha. Elles se réuniront autour des stigmates que l'une porte sur sa peau et que l'autre traîne dans son coeur. Havana va embaucher Agatha en tant que gouvernante. S'engage alors le chemin de la rédemption pour l'une et la chute vers les abîmes de la méchanceté pour l'autre.

Commentaire : On perçoit perceptiblement la tension qui augmente peu à peu jusqu'au drame. C'est inévitable car dans la vie des uns et des autres il y a trop de secrets profondément enfouis. Et lorsque les sédiments de l'inconscient sont agités, ce sont toutes les émotions les plus sombres qui remontent en mémoire.

Cronenberg déroule là une véritable mécanique de l'inconscient. Il part du corps et de la chair pour aborder le crime absolu de l'inceste, puis il quitte les sphères de l'immanent pour évoquer la question de l'esprit, de l'impalpable, du transcendant. A l'image de ces Stars Hollywoodiennes qui ne sont pas incarnées. Bien qu'elles sachent que le temps agit souvent contre elles.

Dans un premier temps, il montre les corps nus. Cronenberg effleure de sa caméra le corps de Julianne Moore. Puis, dans l'étrange scène des toilettes, où flatulences et impudeur montrent le manque de respect qu'entretient Havana à son entourage. Elle n'est centrée que sur sa personne et c'est tout ce qui lui importe.

Enfin, il y a ce tourbillon final qui agit uniquement sur l'esprit, parce que, lorsqu'il faut soigner la faille de ses origines, le remède est irréversible.

 "Maps to the Stars" n'est pas un grand film, mais c'est un bon film. Julianne Moore impressionne par son jeu organique. Mia Wasikowska, cette jeune actrice australienne tellement diaphane dans le "Alice au pays des merveilles" de Tim Burton (2010), change là du tout au tout pour devenir une jeune femme présentant des traits psychopatiques. Son secret finit par la dévorer pour en faire un monstre.

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