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le Monde de kikushiyo
6 juillet 2014

Journal d'un étranger à Paris - de Curzio Malaparte (1967 posthume - Editions Denoël)

Les Éditions de "La Table Ronde" rééditent en mai 2014 le "Journal d'un étranger à Paris" de Curzio Malaparte.

journal d'un étranger a paris

Ce journal qui commence en 1947 est un bijou littéraire dans lequel Malaparte entraîne le lecteur dans une folle excursion historique et mondaine. L'histoire de cet italien est atypique. En 1914, à 16 ans, il interrompt de brillantes études classiques pour venir s'engager dans l'armée française après avoir traversé la frontière à pied. Blessé au Chemin des Dames, il est décoré de la Croix de guerre. Son parcours de l'entre-deux-guerres est plus controversé. Il adhère en 1922 au parti fasciste italien et participe à l'instauration de la dictature de Mussolini. Diplomate en Pologne en 1925, il se rend à l'évidence que le régime italien devient réactionnaire. Ses critiques n'y feront rien, il sera assigné à résidence aux îles Lipari. Aussi, son engagement dans la résistance italienne durant la seconde guerre mondiale n'effacera pas ses adhésions passées.

"Journal d'un étranger à Paris" débute après la Seconde Guerre mondiale, à son retour en France après quatorze années éloigné d'un pays qu'il aime plus que tout : "Ces quatorze années ont été les plus tristes, les plus dangereuses de ma vie." (p.11). Page après page, Malaparte décrit le Paris poétique de ses souvenirs et la ville lumière de son présent : "Des fenêtres s'ouvrent, des intérieurs encore tièdes de sommeil  se révèlent à mon regard curieux. Des milliers de pots de fleurs ouvrent leurs pétales au premier rayon de soleil." (p.16) Il décrit aussi ses rencontres avec la noblesse française. Régulièrement invité dans les soirées de l'intelligentsia parisienne. On y croise des russes blancs, des ambassadeurs explorateurs des contrées d'afghanistan, François Mauriac, Jean Marais, Jean Cocteau, des surréalistes, des néo-cubistes, ... "Lorsque, en 1946, Paul Eluard vint en Italie et qu'en parlant en public il dit : "La poésie au service de la vérité", le public se mit à rire; c'était ce que pendant plus de vingt ans nous avions entendu en Italie de la bouche de Mussolini." Dans les salons, les convives parlent de politique et d'un monde en voie de reconstruction. Après la déflagration mondiale, les corps sont encore meurtris. Désormais, on se livre à l'affrontement des esprits, la lutte des idées. Les joutes sont oratoires. Là, des ennemis montrent leur jeu. Il y a Albert Camus qui ne pardonnera pas à Malaparte son ancien engagement fasciste, ni ses propos qui font de Mussolini un homme tellement ordinaire voire banal.

Concernant les français, Malaparte souffle le chaud et le froid. Le chaud lorsqu'il vante la jeunesse : "... de cette jeunesse française si généreuse, si courageuse, de la façon si française dont cette jeunesse a montré son amour de la mort, un amour non pas macabre mais souriant; l'ancien amour de la Mort qui respire dans les vers de Ronsard, ..." (p.22), et le froid quand ses propos se font clairement anti-communistes : "Que la foule de Paris est devenue sale ! Ce n'est pas seulement la saleté de la misère, c'est la saleté de l'abandon moral, du découragement. On a l'impression, en voyageant dans le métro, en parcourant les trottoirs de la rue de Rivoli, des grands boulevards, des Champs-Elysées même, les cinémas, que cette foule a oublié le savon. Quand je dis sale, je veux dire sale.... C'est la saleté des foules de Moscou, la saleté de cette nouvelle "race marxiste" qui depuis une dizaine d'années a envahi l'Europe. ... Ce n'est pas, je veux dire, la foule telle qu'elle a été formée, dans tous les pays d'Europe, par la décadence du capitalisme, la corruption de la démocratie, le sabotage social communiste, la contamination des moeurs." (p.219)

Pour ma part j'ai lu "Journal d'un étranger à Paris" comme un long poème qui relate sobrement les courants intellectuels de l'après-guerre. C'est une lecture plaisir dans le sillage d'un homme qui a eu une vie aux multiples facettes.

 

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