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le Monde de kikushiyo
29 mars 2015

Repulsion - de Roman Polansky (1965)

"Repulsion" est un excellent drame qui décrit dans le moindre détail la chute vertigineuse dans la schizophrénie de Carole Ledoux (C.Deneuve), jeune manucure d'un salon londonien.

repulsion

La caméra de Polansky filme du point de vue de la jeune femme, c'est son oeil. L'ouragan intérieur qui la submerge rend le logement, dans lequel elle vit avec sa soeur, très agressif. Les murs se fissurent sous ses yeux écarquillés par la terreur. Le scénario de Roman Polansky et de Gérard Brach décrit magistralement cette longue descente vers la folie. Pour Carole, tout n'est qu'aggression : elle traverse un couloir, soudain des bras sortant des murs tentent de la saisir (effectivement, les amateurs de "La Belle et la Bête" (1946) de Jean Cocteau feront le lien immédiatement). Aussi, son fantasme d'être violentée par un homme qui s'introduit dans sa chambre, rend ses hallucinations tellement réelles.

L'horrifique peut subvenir à tout instant et se trouve dans toutes les pièces, que se soit à la salle de bain, dans la chambre de Carole, à la cuisine. Aussi, tous les objets inspirent l'étrangeté : l'image d'un visage déformé dans une bouilloire, une sucrière renversée... et le temps qui passe sera représenté par une pomme de terre qui germe ou encore un lapin qui pourrit dans un plat.

Paradoxalement, c'est la beauté de Catherine Deneuve, sa blondeur angélique qui s'oppose à l'obscurité du logement. C'est tout le génie de Polansky que de faire jouer Deneuve qui était alors si lumineuse en parfait décalage avec les effets d'obscurité de ce film noir et blanc.

Pendant que sa soeur est en voyage à Pise, l'état de santé de Carole se dégrade, elle reste dans le noir. Tout se fane, pourri et se putréfie autour d'elle. C'est pour les hommes que Carole semble avoir de la répulsion. Elle refuse leur contact et son dégoût se lit sur son visage. Pour quelle raison ? Enfant, a t'elle subi des sévices qui seront à l'origine de cette faille psychique ? Je pense que la réponse apparaîtra avec la dernière image. Cette photo d'elle, petite fille au regard expressif. Quoiqu'il en soit, sa pathologie va se concrétiser en un passage à l'acte qui sera irréparable.

Ce premier film de Polansky en langue anglaise sera produit par "Compton Production", producteur de porno soft qui voulait  se lancer dans l'Horreur. Les faibles moyens dont disposera le jeune réalisateur polonais ne l'empêcheront pas de travailler sur ce film avec des grands artisans du 7ième Art comme le chef op' Gilbert Taylor (qui avait travaillé notamment avec Hitchcock et Kubrik), ou bien collaborer avec Chico Hamilton pour la musique lancinante qui accompagne Deneuve dans sa descente aux enfers à travers ses errances londoniennes. Deux ans plus tard, Polansky réalisera le cultissime "Rosemary's baby" (1967).

"Repulsion" est aussi un beau tableau de Londres. On y voit notamment Deneuve déambuler dans le quartier de Kensington. Je noterai encore que pour l'époque, les gémissements suggestifs émanant de la chambre d'Hélène alors qu'elle était avec son ami semblent précurseurs. En effet, ce qui parait commun aujourd'hui et qu'on voit dans beaucoup de film, était peu courant en 1965 et pouvait être censuré.

Enfin, il y a dans ce film beaucoup de thèmes qui se retrouveront plus tard au centre de l'oeuvre de Polanski, comme l'oppression de la sphère domestique, le logement en particulier. Le va-et-vient entre l'intérieur et l'extérieur sera la pierre angulaire du film "Le locataire" (1976). Et puis il y a aussi la thématique de l'étranger, seul dans un environnement qui semble "hostile", il ne s'exprime peut-être pas très bien, ce qui ne facilite pas sa compréhension d'un monde qui devient étrange (on retrouve cela dans "Frantic" (1987), quand Harrison Ford est perdu, seul et désespéré dans Paris à la recherche de sa femme). Bon prétexte pour scruter le psychisme d'un individu qui vascille. Dans "Repulsion", c'est Carole et sa soeur Hélène qui vivent et travaillent à Londres. On perçoit l'accent français de Deneuve et parfois sa difficulté à se faire comprendre.

A voir, ne serait-ce que pour l'interprétation de Catherine Deneuve.

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