Édité chez Albin Michel, "Hygiène de l'assassin" est le premier roman d'Amélie Nothomb. Il s'agit d'une longue conversation entre l'écrivain misanthrope Prétextat Tach, prix Nobel de littérature et des journalistes venus, à tour de rôle, l'interviewer. Octogénaire, il était de notoriété publique qu'il allait mourir dans les deux mois. "Ce ne fut pas sans fierté que M.Tach s'était su atteint du redoutable syndrome d'Elzenveiverplatz, appelé plus vulgairement "cancer des cartilages", que le savant éponyme avait dépisté au XIXe siècle à Cayenne chez une dizaine de bagnards incarcérés pour violences sexuelles suivies d'homicides, (...)" (p.8). Vieil homme acariâtre et imbu de son savoir littéraire, il s'amuse à repousser chacun des journalistes. Aucun ne résiste à la mauvaise foi de l'auteur. Lui, prend un malin plaisir à menacer, à insulter et à détruire. Mais, lorsque Nina rentre en scène, elle s'affronte au génie de M.Tach et le lecteur va mesurer toute la haine des femmes qu'il porte en lui. Il n'aime que son intelligence qu'il place au-dessus de tout. Toutefois, la jeune femme ne compte pas en rester là et va tenter de lui tenir tête. S'engage alors un combat verbal et sémantique de longue haleine qui ne se conclut qu'à la toute dernière page.
Nina ne va pas se laisser écraser par le poids des mots d'une telle éminence. Elle compte bien se défendre. Ce qui surprend M.Tach qui ne s'attendait pas à autant de résistance d'une femme.
"Hygiène de l'assassin" a fait l'objet de plusieurs transcriptions au théâtre. En effet, c'est un texte quasi exclusivement dialogué qui dégage une force et une énergie primale. Ce premier texte de Nothomb transpire de beaucoup de liberté, de jeu, de créativité de tous les instants. Comme lecteur on ressent une impression d'immédiateté du rapport au langage.
Mais, lorsqu'avec le temps et les années on connaît plus précisément la vie de l'auteure à succès qu'est Amélie Nothomb, on peut se demander si le livre n'est pas une forme de thérapie ? Si Prétextat Tach n'est pas l'ennemi intérieur de la jeune fille déracinée que Nothomb était et dont elle porte toujours les stigmates ? Dans cette hypothèse, Nina serait le double de l'auteure. Un double qui est insulté, dénigré et qui doit retourner la situation pour amener cet ennemi à ramper à ses pieds.
Ce petit livre se lit très vite et on en tire beaucoup de plaisir.