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le Monde de kikushiyo
26 avril 2018

Voyage en Ethiopie - Curzio Malaparte

Quel récit de voyage extraordinaire ! Bien entendu, c'est le regard que pose un colonisateur  sur une Afrique magnifiée par la symphonie poétique du texte de Malaparte. Ce texte relativement court est un agrégat d'articles publiés entre 1938 et 1939 dans Le Corriere della Sera. Voyage en Ethiopie - MalaparteA une époque où Malaparte marque une fois de plus toute son ambivalence quant au soutien qu'il apporterait au régime fasciste de Mussolini. L'écrivain qui avait été mis à l'écart du sérail mussolinien voulait pratiquer le journalisme. Il lui fallait donc tenir un discours qui aille dans le sens du vent, "fasciste" en l'occurrence. C'est ce qu'il fit dans le cadre d'un voyage en Éthiopie d'où il a tiré les articles qu'on retrouve dans ce livre sous la forme d'un carnet de voyage.

Malaparte encense tout le "bienfait" de la colonisation italienne et se montre dithyrambique quant aux apports italiens sur ce sol indigène. L'auteur décrit ces terres desséchées mais chargées d'espoir que des braves paysans sont venus défricher, bêcher,  pour les rendre aussi belles et fécondes que les terres de Romagne : "Avant tout, il fallait choisir l'endroit où la Romagne d'Éthiopie allait surgir. De la bonne terre, il y en a partout dans l'Empire. Mais ce que cherchent les romagnols, c'est une terre qui ressemble à la terre romagnole : grasse et noire, à piocher sans retenue, [...]" (p.82) "[...] Un pays qui soit le portrait de la Romagne, en somme" (p.83).

A travers ce récit, l'auteur pose sur l'Éthiopie un regard plein de nostalgie, fait de descriptions somptueuses et de décors qu'on attendait pierreux, mais qui recèlent, en fait, des contrées verdoyantes. Au fil du voyage de Malaparte, le paysage change, en passant des plaines aux blés ondoyants, à la rigueur montagneuse, où l'omniprésence du soleil en devient agressive : "Non qu'il soit ardent, implacable, cruel, mais il a une fixité toute sienne, une obstination sereine, impassible, l'ironie d'un oeil limpide, serti dans un ciel pur. Cet oeil de verre vous fixe d'en haut, et, peu à peu, vous sentez son regard traverser votre veste en toile, pénétrer dans votre chair vive, dans votre sang, dans vos os, non comme une flamme, mais comme une langue visqueuse et froide qui, en peu de temps, vous laisse trempé de sueur glacée, [...]" (p.145).

Bien entendu, les résistants à la colonisation italienne, sont dans l'ouvrage les "brigands", les Chiftas, ceux qui pillent les pauvres paysans, ceux qui tuent. Leur chef, c'est Abébé Aragaï, celui que des colonnes militaires recherchent sur les versants abrupts des gorges du Beresa (par la suite, Aragaï est devenu ministre).

Le texte "Voyage en Éthiopie" est suivi des "Autres récits africains". Des textes tout autant, sinon plus tendancieux quant à leurs propos dont certains diront que c'était l'époque qui voulait cela. Là, Malaparte y relate la bienveillante colonisation italienne, remontant même jusqu'aux conquêtes de César et de l'Empire Romain : "Des hommes simples, purs, inébranlables dans les batailles, sévères dans la répression, mais humains, travailleurs, cordiaux dans leurs rapports avec les habitants des pays conquis [...]. Seuls des hommes simples et purs pouvaient réussir à faire de l'Afrique ténébreuse un pays humain où les vignes, les oliviers [...] évoquaient les doux villages de l'Italie lointaine, mère d'avoine et de troupeaux." (p.159) A ce moment du récit, on rentre dans le dur de la controverse, où Malaparte fait allégence à Mussolini en expliquant que, même loin de la mère patrie, dans les confins du grand empire, il y a une Italie unie et mythique. Dans l'article "Afrique romaine", il écrit : "La signification moderne de "colonie" était inconnue des Romains. L'Afrique était leur Province, pas une "colonie". La civlisation qu'ils apportèrent aux populations berbères était une civilisation souriante" (p.162). Tout est dit.

 

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