Deuxième film parlant de Jean Renoir après "On purge bébé" (1931), "La chienne" est un drame classique du cinéma français des années 1930.

Porté par Michel Simon qui n'a jamais été aussi bon que dans ses films d'avant guerre. Il rend là une interprétation magistrale, un an avant le somptueux "Boudu sauvé des eaux" toujours réalisé par Jean Renoir.

L'histoire : Maurice Legrand est le taciturne caissier d'une entreprise de bonneterie en gros. Ses collègues se moquent de lui a son insu. Il est vrai que Legrand partage sa vie avec Adèle, veuf de guerre et parfaitement tyrannique avec lui. Elle voue toujours un culte à son précédent mari, Alexis Godart, pourtant disparu durant la Grande Guerre. Adèle ne cesse de faire des reproches à Legrand : "Ah ! c'est pas mon premier mari qui aurait jamais perdu son temps à faire l'idiot avec de la peinture (...) Un homme lui ! Un héros !". En effet, Legrand est un peintre amateur et voue, semble t'il, une passion pour ses toiles.

Un soir, après un repas avec ses collègues, sur le chemin du retour, il aperçoit Lulu, une jeune prostituée agressée par son souteneur, Dédé, complètement ivre. Legrand intervient et n'a aucun mal à le mettre à terre. En raccompagnant Lulu, il s'éprend d'elle. Pour la revoir régulièrement il financera la location d'un meublé dans le quartier de Pigalle. La prostituée entretient toujours une relation quasi masochiste avec le beau Dédé qui profitera grandement des largesses de Legrand à l'égard de Lulu, sa bien-aimée. Legrand devient un véritable pigeon qui, sans cesse, dépensera beaucoup trop d'argent, jusqu'à voler sa propre entreprise.

De son côté, Dédé va mettre au point une combine infaillible : il vend les tableaux de Legrand en les faisant signer par Lulu. Par amour Legrand pardonne cette supercherie à la jeune femme. Mais, à l'occasion d'un retour inopiné de Legrand chez sa maîtresse, il surprend cette dernière alitée avec Dédé. Le lendemain matin il vient la supplier de vivre avec lui. Elle se moque de lui et rit aux éclats : "Monsieur voulait de l'amour ? Ah ! laisse-moi rire !". Un drame se prépare.

Le commentaire : C'est grâce au succès commercial de "On purge bébé" que les producteurs laisseront Jean Renoir tourner "La chienne". Inspiré du roman éponyme de Georges de La Fouchardière. En 1945, Fritz Lang va s'emparer de ce même roman pour réaliser "La rue rouge" ("Scarlett Street") avec Edward G. Robinson.

Dans tous les films de Renoir on retrouve la scène du théâtre pour rappeler au spectateur que nous assistons, ni plus, ni moins, à un drame de la Comédie humaine. Dans "La chienne" la séquence initiale montre un castelet où deux marionnettes annoncent un "grand drame social"; "une comédie à tendances morales". Mais Guignol vient donner du bâton et chasse les marionnettes en précisant : "La pièce n'est ni un drame ni une comédie... Elle ne prouvera rien du tout..." Cette fois-ci, le spectateur sait à quoi s'en tenir. Les jalons du cinéma de Renoir sont posés. On sait que tout est à sa place et que les règles sociales doivent être respectées, sinon gare à celui qui voudrait se rapprocher trop près du feu. En l'occurence, Maurice Legrand va s'en mordre les doigts. Tout compte fait, ne serait-ce pas lui qui tire les ficelles ? Parfois, il est trompeur de se fier aux apparences. Renoir nous entraîne alors dans un jeu de dupes.

On retrouve dans "La chienne" des thèmes qui seront omniprésents chez Renoir, notamment celui du trio amoureux, où l'un n'est pas à sa place dans une relation qui ne peut se terminer que par un drame.

Jean Renoir donne un cadre parfait à Michel Simon pour qu'il exprime son talent dans le rôle du parfait pigeon. Certes, il est une des gueules du cinéma français et sa bouille est pour beaucoup dans le succès qui lui a permis d'endosser quelques uns des plus grands rôles de l'époque.