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le Monde de kikushiyo
4 août 2013

Roman policier - de Imre Kertész (1975)

Des quelques livres d'Imre Kertész que j'ai lus, "Roman policier" (1975) est le plus court (117 pages). roman policier-imre kerteszL'auteur est couronné du prix Nobel de littérature en 2002.

Kertész ancre l'histoire du roman dans un univers totalitaire. Mais à l'époque de son écriture la société hongroise subissait le joug du régime communiste que l'auteur ne pouvait pas critiquer ouvertement. Ce régime qui régissait sans concession la vie de la population. Kertész explique que pour contourner la censure, il a installé l'action de "Roman policier" dans les locaux de la Police d'une dictature d'Amérique latine. Les années 70's étaient propices aux dictatures des colonels d'extrême droite en Amérique du sud (Chili, Argentine, Brésil, ...). L'histoire commence avec Antonio R. Martens, le narrateur. Celui-ci est en prison. On lui laisse quelques feuilles de papier et de quoi écrire afin de raconter son histoire avant de connaître le verdict qui fera sûrement de lui un condamné à mort.

A l'origine, Martens travaille dans une police plus soucieuse de maintenir le pouvoir que de faire respecter la loi : "..., bref, à vrai dire je pensais que nous étions ici au service de la loi.  - Nous sommes au service du pouvoir, mon garçon, a rectifié Diaz." "....."  - Je croyais jusqu'à présent que c'était pareil.  - Si on veut. Mais il ne faut pas oublier les priorités.  - Quelles priorités ?" "......" : "D'abord le pouvoir et ensuite seulement la loi." (p.29-p.30).

Policier, Martens participait à des "interrogatoires" de suspects pouvant fomenter, soi-disant, des complots. Avec ses deux collègues, Rodriguez et Diaz, il suit, écoute, observe, perquisitionne et arrête sommairement des hommes, des femmes, des jeunes, des vieux. Lui-même dit être un "bleu", même si on le sent parfois tiraillé entre ses convictions et les pratiques brutales de ses collègues. On pourrait même parler d'actes de torture. "C'est un sale boulot, je le dis, mais il fait partie de notre métier. On prend le type et  on le rend fou, on lui brise les nerts, on lui abîme la cervelle, on lui retourne les poches, la doublure des vêtements et même les boyaux." (p.88 ; p.89).

Pour reprendre le concept d'Hannah Arendt sur "la banalité du mal", ce livre analyse brillamment la logique d'un système étatique totalitaire mis au service de l'anéantissement de l'être humain. Une fois de plus, les petits fonctionnaires qui structurent cet outil de répression sont les policiers. Kertész, contrairement à Arendt, ne transporte pas le lecteur dans les arcanes du procès d'un maillon de ce système, mais l'auteur, en utilisant la première personne "je", décrit et nous fait porter, en quelque sorte, les habits d'un homme banal, un petit fonctionnaire qui dit être débutant mais non moins zélé, entièrement soumis à l'autorité, incapable de distinguer le bien du mal. Quand vient l'heure de nommer un bouc émissaire, Martens est montré du doigt. Il s'y résigne sans culpabiliser. On retrouve dans cette confession des éléments qui nous rapprochent de la notion d'Absurde développée par Albert Camus dans "L'étranger". En effet, le narrateur décrit un univers où aucune limite morale ne vient structurer les relations entre les hommes.

Lire "Roman policier" n'est pas très confortable, d'autant qu'au fil de la lecture, on peut avoir parfois quelque sympathie pour ce Martens.

août 2013

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